Accès aux soins dans les pays pauvres : le médicament n’est pas tout

04 décembre 2008

« Le médicament joue un rôle majeur, mais il ne règle pas le problème à lui seul ». Tout est dans cette phrase de Robert Sebbag, vice-président « Accès au médicament » de Sanofi aventis.

Pour améliorer l’accès aux soins dans les pays en développement (PVD), la seule mise à disposition de médicaments n’a pas constitué la solution espérée. La solidité des structures de soins localement, est tout aussi déterminante. Sinon, c’est comme donner un coup d’épée dans l’eau.

Les représentants des Entreprises du Médicament (Leem) estiment n’avoir pas démérité en matière d’efforts pour l’accès aux soins dans les pays pauvres. « Les industriels sont engagés depuis maintenant 10 ans dans des initiatives en direction des PVD » précise Pierre Savart, responsable des opérations internationales du Leem.

Mise à disposition de médicaments, fiabilisation des circuits de santé en Afrique, harmonisation des législations pharmaceutiques, partenariats avec la société civile, construction de laboratoires d’analyse et de contrôle, lutte contre les marchés illicites et la contrefaçon… C’est un combat de fond « qui n’est pas toujours reconnu » regrette Robert Sebbag. « On ne peut pas résumer nos efforts aux quantités de médicaments fournis lors de telle ou telle crise humanitaire » insiste-t-il. « Le sujet est beaucoup plus complexe, et éminemment politique ».

Manque de personnels qualifiés, défaut de volonté politique

En théorie les moyens sont aujourd’hui réunis. Aussi bien pour les fonds disponibles que pour les stocks de médicaments. Pourquoi dans ces conditions, l’écrasante majorité des populations africaines (plus de 80% !) n’a-t-elle toujours pas accès à l’arsenal nécessaire pour combattre le paludisme ? « Justement, le manque de volonté politique y est flagrant » poursuit Robert Sebbag. « De nombreux pays de la région des Grands Lacs par exemple, sont en conflit. Résultat, la santé publique dans la région a reculé de 20 ans. Nous avons même vu des pêcheurs jeter des filets confectionnés à l’aide de moustiquaires imprégnées… »

Dans cet argument, le Pr Richard Gold voit en fait, l’arbre qui cache la forêt. Directeur du Centre pour la politique en propriété intellectuelle à l’Université McGill de Montréal, il considère que le régime actuel des brevets « empêche d’ouvrir l’accès des PVD aux médicaments. » Selon lui en effet, « l’interdiction faite à ces pays de produire localement des médicaments bon marché » est délétère. « Pour faire sauter ce verrou, il faudrait songer à une autre forme de brevet, plus souple. Son obtention pourrait par exemple être circonscrite à un pays, une région, un continent. C’est l’universalité du concept de brevet qui pose problème ».

L’assouplissement de la propriété intellectuelle comme condition essentielle au progrès thérapeutique ? C’est une fausse bonne idée pour les groupes pharmaceutiques. Ils considèrent en effet que « le concept de licence est déjà bien souple. Il est par exemple tout à fait possible et légal, pour un pays en situation d’urgence sanitaire de délivrer une licence obligatoire pour un médicament breveté. C’est prévu par les accords TRIPS ». Pour Richard Gold cependant, « il ne s’agit là que de dérogations limitées aux temps de crise. Or nous avons besoin d’un système d’approvisionnement régulier, qui justement, éviterait des situations de rupture comme celle que connaît continuellement l’Afrique ».

  • Source : Leem, 25 novembre 2008, interview du Pr Richard Gold, Directeur du Centre pour la politique en propriété intellectuelle à l’Université McGill de Montréal, 12 novembre 2008

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