Délinquants sexuels et récidive : les experts dépassés ?

21 novembre 2011

« Nous n’avons qu’une capacité imparfaite pour prédire la dangerosité » des délinquants sexuels. En 2010 déjà, l’Académie nationale de Médecine soulignait dans un rapport à quel point la « science » est démunie face à la criminalité sexuelle. Consacré à la prévention médicale de la récidive chez les délinquants sexuels, ce rapport est propulsé sur le devant de l’actualité par l’assassinat de la jeune Agnès, à Chambon-sur-Lignon la semaine passée.

Le débat sur la prise en charge de ces criminels est relancé. Cette fois cependant, des voix s’élèvent pour souligner que, peut-être, les procédures d’expertise ne seraient pas en France, au même niveau que dans certains pays développés comme le Canada ou la Belgique par exemple. Plongée dans ce document qui résume les connaissances, les responsabilités, les capacités des intervenants… et leurs limites.

De trop nombreuses zones d’ombre.

Quels sont les critères d’évaluation utilisés pour prédire la dangerosité des délinquants sexuels ? Des traitements hormonaux sont-ils envisageables ? Que peut-on attendre de la psychothérapie ? Les auteurs de ce rapport – un psychiatre et deux endocrinologues – insistent bien sur le fait qu’aucune solution miracle n’est envisageable dans ce domaine. Le plus inquiétant peut-être, c’est qu’ils rappellent que les professionnels n’ont aujourd’hui « qu’une capacité imparfaite pour prédire la dangerosité des sujets. Et donc des difficultés pour décider lesquels d’entre eux devraient se soumettre à un traitement ».

Ils insistent sur le fait que « l’efficacité des traitements dans les essais actuellement publiés est déjà largement incomplète. Ils s’interrogent également: « qu’en serait-il chez des sujets non plus volontaires mais contraints ? Qu’en serait-il dans des conditions d’essais limités mais dans une application de routine à une population hétérogène beaucoup plus importante, et avec des moyens limités ? »

A l’heure où tout un chacun – sous le coup d’une colère mêlée d’incompréhension – donne son opinion, les auteurs du rapport apportent une réponse posée… mais peu encourageante. « Nous ne savons pas sur quels critères déterminer la durée des traitements, la part respective à laisser aux psychothérapies et aux thérapeutiques hormonales, la conduite à tenir devant la survenue des complications de ces dernières. Le problème est d’autant plus prégnant que la dangerosité des délinquants sexuels s’étend fréquemment sur plusieurs dizaines d’années. »

Quelle attitude adopter ?

En fonction de ces difficultés, l’Académie nationale de Médecine a formulé quelques recommandations :
– Améliorer les expertises de dangerosité des criminels sexuels, en enseignant et en diffusant les méthodes statistiques ;
– Informer les magistrats et le public en général, du caractère très imparfait des prévisions, même quand l’expertise a utilisé les meilleurs instruments actuellement disponibles ;
– Définir une politique qui ne soit pas uniquement basée sur des moyens médicaux. Les traitements à visée hormonale ou psychologique ont une efficacité très partielle, et quelquefois des effets secondaires marquants . Ils ne peuvent être le seul outil d’une politique de prévention de la récidive ;
– Mettre en place des actions incitatives de recherche afin d’améliorer la prévention médicale de la récidive chez les délinquants sexuels. A l’heure actuelle, la recherche dans ce domaine est en France absolument sous-dotée et mal structurée.

Pour en savoir plus, consultez l’intégralité du rapport La prévention médicale de la récidive chez les délinquants sexuels.

Rappelons également qu’en juin 2009, la Haute Autorité de Santé avait elle aussi, émis des recommandations quant à la « Prise en charge des auteurs d’agression sexuelle à l’encontre de mineurs de moins de 15 ans.

  • Source : Académie nationale de Médecine, rapport La prévention médicale de la récidive chez les délinquants sexuels rédigé par les Prs Edwin Milgrom, Philippe Bouchard et Jean-Pierre Olié, Juin 2010

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