Guide des médicaments : « un pamphlet caricatural » ?

14 septembre 2012

La publication d’un Guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles et dangereux par les Professeurs Philippe Even et Bernard Debré, a relancé un débat qui ne date pas d’hier ! A en croire les auteurs, près de la moitié des médicaments actuellement disponibles auraient une efficacité faible ou nulle. Le Dr Michel Chassang, président de la Confédération des Syndicats médicaux français (CSMF), s’insurge devant « un pamphlet caricatural destiné à attirer l’attention ».

Cet ouvrage « fait peur de façon inutile et excessive aux patients et risque de remettre en cause la confiance qu’ont les Français dans les médicaments », souligne Michel Chassang. Et ce, alors même qu’ils « rendent de grands services ». De plus, « les médicaments qualifiés d’inutiles (par les auteurs n.d.l.r.) sont déjà très peu remboursés et peu chers. Prétendre faire des économies là-dessus est parfaitement absurde », poursuit-il.

Les médecins de famille et les petits médicaments

Selon lui, « l’attitude de certains médecins universitaires (les auteurs sont respectivement professeurs en urologie et en pneumologie n.d.l.r.) vis-à-vis des médecins de terrain est très désagréable ». En effet, bon nombre de médicaments jugés inutiles ou faiblement efficaces sont prescrits par les médecins généralistes. La conséquence d’un déremboursement de ces spécialités serait donc une mauvaise nouvelle pour nombre d’entre eux, selon le président du CSMF. « Supprimer cette panoplie mise à disposition du médecin de famille, c’est faire en sorte que celui-ci travaille les mains nues. Or on ne soigne pas par imposition des mains ».

« Les médecins ont besoin de ces ‘petits médicaments’ pour accompagner et soulager les patients. Sans pour autant qu’ils soient miraculeux », insiste-t-il. S’ils étaient déremboursés, « cela provoquerait un déport de prescriptions sur d’autres classes thérapeutiques, dont le coût est plus élevé », ajoute Michel Chassang.

Former, informer sur les médicaments

Il rappelle que les médicaments ne sont pas des produits anodins. Et que leur prescription doit être mesurée et adaptée. Or « certaines (prescriptions) peuvent être qualifiées d’inutiles ou pas tout à fait adaptées. Mais de là à prétendre qu’on va faire 10 milliards d’euros d’économies en supprimant les médicaments, c’est franchement une hérésie ! », s’insurge Michel Chassang.

De son côté, le Pr Jean-Paul Giroud (pharmacologue, membre de l’Académie nationale de Médecine), auteur de Médicaments sans ordonnance, les bons et les mauvais estime que le sujet n’est vraiment pas nouveau. « De nombreuses personnes – dont moi-même – ont déjà dit que beaucoup de médicaments étaient inefficaces et inutiles, voire dangereux », rappelle-t-il. A ses yeux, le problème vient surtout du « manque d’information du public et de formation des médecins ».

Pour lutter contre la surconsommation de médicaments en France, « une information complète par les autorités sanitaires serait indispensable sur tous les médicaments mis sur le marché. Malheureusement aucune base de données publique ni privée ne donne ces informations », précise-t-il. Un détail toutefois, soulève son interrogation : « Il me semble étonnant que l’ouvrage ne se penche que sur 4 000 médicaments, alors qu’il y en a 11 000 sur le marché français »…

  • Source : interview de Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), 14 septembre 2012 ; interview du Pr Jean-Paul Giroud, représentant de l’Académie de médecine à l’Agence du médicament sur les Autorisations de mise sur le marché, 14 septembre 2012 ; Médicaments sans ordonnance, les bons et les mauvais, de Jean-Paul Giroud, aux Editions de La Martinière – 571 pages – 24,90 euros.

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