Médiator® : où sont les négligences ?

21 décembre 2010

Depuis un peu plus d’un mois, la polémique fait rage concernant le Médiator®. Lacunes dans le système de pharmacovigilance, complaisance d’acteurs publics, détournement de prescriptions… En attendant les résultats de l’enquête confiée à l’IGAS, les accusations fusent. Le point sur la question.

Le Médiator® (ou benfluorex) a reçu son Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) en 1976. Il était alors autorisé dans le cadre d’un régime alimentaire adapté chez les diabétiques en surcharge pondérale. Lorsque le produit a été retiré du marché en novembre 2009, c’était selon l’Agence française de Sécurité sanitaire des Produits de Santé (AFSSaPS), parce que « le risque d’hospitalisations pour valvulopathies (des affections graves des valves cardiaques, ndlr) associé à la prise de benfluorex est multiplié par trois et le risque de chirurgie valvulaire est multiplié par quatre (…). Les risques augmentent avec la dose cumulée de benfluorex ».

Combien de morts?

Toujours d’après l’AFSSaPS, « depuis 1976 et jusqu’en novembre 2009, il est estimé que 5 millions de patients ont été traités par benfluorex avec une durée moyenne de prise du médicament d’environ 18 mois. Près de 3 millions ont consommé du benfluorex pendant une durée de 3 mois ou plus. » Sur ces 5 millions de malades, environ 500 seraient morts à cause du Médiator®, évaluait l’AFSSaPS à la mi-novembre 2010. Le week-end dernier, nos confrères du Figaro ont dévoilé une autre étude selon laquelle le nombre de morts attribuables au benfluorex pourrait s’élever à 1 000 ou 2 000. Ils ont également publié un courrier de 1998, par lequel trois professeurs, agissant comme conseils de la sécurité sociale, alertaient la direction de l’AFSSaPS sur les risques liés à l’utilisation non autorisée du Médiator®, en tant que coupe-faim.

Les réactions du ministère de la Santé et de l’Assemblée nationale

Le mardi 14 décembre 2010, l’Assemblée nationale a mis en place une mission d’information sur “Le Médiator® et la pharmacovigilance”. Elle commencera ses travaux à la rentrée de janvier 2011. Le 15 novembre dernier Xavier Bertrand, tout juste nommé au ministère de la Santé, a mis en place un comité de suivi rassemblant des représentants de la Direction générale de la santé (DGS), de l’Assurance-maladie et de l’AFSSaPS. Il a également confié à l’Inspection générale des Affaires sociales (IGAS) la rédaction pour le début janvier, de recommandations sur les études post-AMM qui permettront de détecter plus rapidement ce type de complications. Il a enfin appelé à une meilleure coordination des services de l’Assurance-maladie et de l’AFSSaPS.

Interpellé sur la possibilité de voir le Médiator® mis en cause dans 1 000 à 2 000 décès, il a évoqué des « défaillances graves dans le fonctionnement de notre système du médicament dans cette affaire ».

Prescriptions hors AMM

Si le Médiator® était bien autorisé comme aide au régime chez les patients diabétiques en surpoids, il a cependant fréquemment été prescrit hors de cette indication. Selon une étude menée par l’Union régionale des caisses d’Assurance Maladie (URCAM) de Bourgogne dès 1998, « dans 35% des cas, les indications thérapeutiques ne sont pas respectées. Ce taux monte à 43% chez les patients de sexe féminin. Or 69% des prescriptions concernent des femmes. En fait, près de la moitié des cas de non-respect de l’indication thérapeutique du Médiator® concerne des personnes poly-médicamentées à visée amaigrissante. Ce taux atteint 86% des prescriptions délivrées à la population de sexe féminin. » Tout cela pour quelques kilos de moins…

Face à ces abus, le Conseil national de l’Ordre des Médecins a régulièrement réagi à l’encontre de ces praticiens. On peut ainsi trouver mention de médecins qui ont « prescrit du Médiator® à sept reprises, et sans prescription de bilan lipidique, alors que la patiente ne présentait ni diabète avec surcharge pondérale ni hypertriglycéridémie », « prescrit du Médiator à la demande des patientes, dans un but d’amaigrissement ». Ils ont de ce fait encouru des sanctions (de l’avertissement à une interdiction d’exercer de plusieurs mois).

Pour en savoir plus:
– Tous les documents de l’AFSSaPS;
– Les points d’information du Ministère de la Santé.

  • Source : site de l'AFSSaPS – site du Ministère de la Santé – site du Figaro.fr - site de l'Assemblée nationale, site Conseil national de l’Ordre des Médecins consultés le 21 décembre 2010

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