Médicament, une modernisation sans réforme profonde

20 décembre 2011

L’Assemblée nationale a voté hier soir, le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament. Celui-ci est essentiellement articulé autour de la lutte contre les conflits d’intérêt et la modification du système de pharmacovigilance. Evolutions matérialisées par la création de l’Agence nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (ANSM). Tour d’horizon des quelques « vrais » changements liés au nouveau dispositif…

L’AFSSaPS est morte, vive l’ANSM. Comme l’AFSSaPS, la nouvelle ANSM sera chargée d’évaluer les bénéfices et les risques des produits mis sur le marché, puis de les surveiller tout au long de leur « vie ».

Il y a tout de même, quelques nouveautés. Celles-ci concernent principalement :

– La possibilité pour l’ANSM de prononcer des sanctions financières en cas de « manquement » observé de la part d’un laboratoire : absence de mise en œuvre du système de pharmacovigilance, absence de déclaration d’un effet indésirable, défaut de communication d’un arrêt de commercialisation par exemple ;
– Le transfert des taxes vers l’Etat. Afin de renforcer son indépendance vis-à-vis de l’industrie, l’agence ne percevra plus de taxes ni de redevances de la part des laboratoires pharmaceutiques. Dès le 1er janvier 2012 ces dernières seront perçues par l’Etat. L’ANSM sera dorénavant, financée par une subvention de l’Etat.

La traque aux conflits d’intérêts. La plus grande transparence sera recherchée concernant les relations entre industriels et experts. La déclaration d’intérêts que ces derniers devront remplir sera rendue publique. Et pour mieux mettre en évidence d’éventuels conflits d’intérêts – une réalité distincte des liens d’intérêts- une charte de l’expertise sanitaire sera également mise en place. Elle devrait définir la notion même de conflit d’intérêt. Et surtout, elle encadrera l’ensemble des expertises.

Des visiteurs médicaux encore plus surveillés. Les VM ne pourront rencontrer les professionnels hospitaliers que dans la cadre de réunions collectives. Dans un premier temps cependant, cette mesure ne revêtira qu’un caractère expérimental.

Voilà pour les nouveautés au plein sens du terme. Outre ces quelques points, le nouveau texte rappelle quelques dispositions importantes relatives aux conditions de prescription des médicaments:

– Prescription hors-AMM – c’est-à-dire hors des indications pour lesquelles un médicament est autorisé : le médecin doit systématiquement apposer la mention hors-AMM sur l’ordonnance ;
– Prescription en dénomination commune internationale (DCI) : celle-ci devra être généralisée. Autrement dit, le médecin devra mentionner le nom de la ou des molécules composant le médicament. Et non pas sa seule appellation commerciale.

Un texte qui ne va pas assez loin ? Si elle propose quelques avancées, cette loi ne propose pas une réforme en profondeur du système. C’est en substance ce que regrette la Mutualité française. Elle s’interroge en effet « sur le fait que la modernisation du système du médicament n’ait pas conduit à une réforme en profondeur de la politique de remboursement et de fixation du prix du médicament ».

La Mutualité regrette encore que le Parlement ne l’ait pas entendue sur certaines de ses demandes. Notamment celle concernant le fait que l’AMM soit « subordonnée à la démonstration d’un vrai progrès thérapeutique par rapport aux thérapeutiques de référence. Le bénéfice d’un médicament continuera à être évalué avec trop d’indulgence, du fait de sa comparaison avec un placebo ».

De leur côté, les rédacteurs de la Revue Prescrire signalent également « certaines avancées ». Ils déplorent néanmoins que cette loi « s’avère en net retrait par rapport à diverses recommandations officielles, et qu’elle ne vise pas assez l’intérêt premier des patients ». A leurs yeux, « il reste beaucoup à faire ».

  • Source : Assemblée nationale, 19 décembre 2011 – Mutualité française, 20 décembre 2011 – Revue Prescrire, 20 décembre 2011

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