Médicaments, les dangers de la Toile !

22 mai 2006
Gucci, Lacoste ou Vuitton… Des marques souvent assimilées à la contrefaçon. Perçue comme un délit d’ordre économique, la contrefaçon prend une autre nature lorsqu’elle s’attaque aux médicaments. Car elle s’apparente alors à un commerce criminel. On ne meurt pas de porter un faux sac à mains. En revanche un médicament contrefait, lui, peut tuer. A l’image des 200 000 patients atteints du paludisme qui meurent chaque année dans le monde. Ils sont victimes des faussaires et des mafieux qui distribuent de faux médicaments. Car un médicament sur dix vendus dans le monde serait un faux. D’après une étude de la Food and Drug Administration (FDA) américaine en effet, les préparations contrefaites représenteraient plus de 10% du marché mondial. Soit 32 milliards de dollars de bénéfices par an ! Dans un pays comme le Cameroun , 70% des antipaludéens seraient contrefaits. Dans les pays de l’ex Union soviétique, entre 10% et 20% du chiffre d’affaires d’un produit sont le fait de… faux génériques. Et ces exemples pourraient être multipliés… Les faux ne connaissent pas de frontières : du Viagra en France, du sirop contre la toux au Nigeria, des statines aux Etats-Unis. En 15 jours à peine au mois de mars, 360 000 cachets de faux Viagra ont été saisis par les douanes françaises à Roissy. En 2004 au niveau européen, plus de 800 000 boîtes de médicaments ont été interceptées. La première victime bien sûr, c’est le consommateur. Floué, trompé, il ignore que son traitement sera inefficace, voire dangereux pour sa santé. Pour l’OMS, un médicament contrefait est un «produit dont la composition et les principes actifs ne répondent pas aux normes scientifiques. Il est par conséquent inefficace et souvent dangereux pour le patient». Or la contrefaçon prend des formes très diverses. Et elle peut concerner aussi bien des produits de marque que des produits génériques. La France, protégée ? Il existe en fait, trois sortes de médicaments contrefaits: d’abord les médicaments contenant les principes actifs du produit original, mais avec un emballage imité ou sans emballage du tout. Le stockage en vrac de ces produits est une pratique répandue mais dangereuse. Un conditionnement de qualité est en effet essentiel à la protection du médicament contre la chaleur, l’humidité, le soleil… Il arrive aussi que la copie renferme bien les principes actifs requis, mais en quantités insuffisantes. Ou qu’elle renferme d’autres principes actifs que ceux présents dans le vrai médicament. Une porte ouverte à tous les abus. Il arrive enfin que le produit contrefait ne renferme aucun principe actif. Une sorte de placebo qui se pare du nom d’un vrai médicament. A en croire Stéphane Lange, responsable de l’Unité des enquêtes spéciales à l’AFSSaPS, la France serait protégée contre la contrefaçon. «Actuellement la France n’a pas été touchée par la contrefaçon médicamenteuse. Il y a trois raisons principales. La première, c’est que la chaîne pharmaceutique est composée d’établissements qui sont tous autorisés, et des pharmaciens qui sont régulièrement contrôlés. La deuxième, c’est que les médicaments en France sont pris en charge par les assurances sociales. Le patient a beaucoup moins tendance à aller acheter des médicaments en dehors du circuit licite. Et la dernière, c’est que le prix du médicament en France est loin d’être le plus élevé. Et qu’un contrefacteur à toujours intérêt à vendre des produits à l’endroit ou les coûts sont élevés.» Ce que confirme Christophe Zimmermann, qui s’occupe du dossier contrefaçon à l’Organisation mondiale des douanes. «Le consommateur français a la chance de voir ses médicaments remboursés. En revanche dès lors que vous avez un taux de couverture sociale moindre, inéluctablement les gens qui ne peuvent pas se soigner vont aller chercher les médicaments les moins chers. Et où vont-ils les trouver ? Systématiquement sur Internet.» Moins encadré qu’en Europe, le circuit de distribution américain facilite l’introduction de faux médicaments. Et comme plus de 40 millions d’Américains n’ont pas de couverture sociale, ils cherchent l’économie dans des circuits parallèles. Souvent sur Internet. Et même si la vente de médicaments sur le web est interdite en France, nous n’en sommes pas à l’abri. Car par principe, la toile n’a pas de frontières. Des fraudeurs… professionnels «C’est un problème qui prend des proportions assez terrifiantes» enchaîne Christophe Zimmermann. «Les dernières statistiques publiées par l’Union européenne font état d’une progression de 241% du nombre de produits contrefaits interceptés aux frontières. Pour 2004, les douanes européennes ont saisi 800 000 contrefaçons de produits médicamenteux. C’est assez terrifiant dans la mesure où au niveau technicité déployée par les organisations de fraude c’est du quasi-parfait. Le consommateur ne fera plus aucune différence entre le vrai et le faux. Les médicaments arrivent sous blister, avec des hologrammes anti-contrefaçon contrefaits. Le Monsieur contrefaçon aux Etats Unis, Chris Israël déclarait récemment que plus de 50% et on arrive aux mêmes conclusions en Europe, que plus de 50% des médicaments vendus sur Internet étaient des faux.» Dans les pays développés, le vrai danger, c’est donc Internet. Souvent les fraudeurs essaient d’attirer les patients par des prix attractifs. Comme nous le confirme Yves Juillet, Président du groupe de travail anti-contrefaçon au Leem, «Dans les pays en développement, la contrefaçon, c’est autour des produits de grande consommation comme les anti-infectieux, les anti-parasitaires, les anti-paludéens. Dans les pays comme les Etats-Unis, ce sont des produits à forte valeur ajoutée. Donc des produits assez chers que les gens essaient d’acheter en dehors du circuit pharmaceutique, pour éviter de payer trop cher. Alors on retrouve tous les traitements contre les troubles de dysfonctions érectiles, les anorexigènes, les hormones, les produits dopants. Et le consommateur n’a absolument aucune garantie de ce qu’il achète.» C’est par ailleurs un commerce très difficile à contrôler. Car la durée de vie moyenne d’un site de vente de contrefaçons est de deux mois. Souvent l’hébergeur se trouve dans un pays, avec un nom de domaine enregistré dans un autre et l’entreprise dans un troisième. Pour eux-mêmes, les contrefacteurs ne prennent pas de risques. Autre problème et de taille, il est extrêmement difficile pour les douaniers de contrôler le trafic sur la toile. Tous les médicaments arrivent par la poste. Aujourd’hui l’Union européenne dispose de 150 000 douaniers, pour un volume annuel qui porte sur des dizaines et des dizaines de millions de colis postaux. Impossible de tous les contrôler ! Le constat s’impose : la mondialisation des échanges a eu pour corollaire celle de la contrefaçon. Sous toutes ses formes. «Nous voyons aujourd’hui des choses qu’on ne voyait pas il y a deux, trois ans. Nous avons de la contrefaçon d’eau minérale, de pommes, de dentifrices, de lames de rasoir» poursuit Christophe Zimmermann. «Tout ce qui s’achète, tout ce qui se vend. A partir de ce moment là, lorsqu’on connaît le rapport financier concernant les médicaments, n’ayez crainte, les organisations de fraude vont investir là-dedans. Et la toile malheureusement est un grand marché à ciel ouvert de faux.» Et comme il est difficile d’empêcher l’achat en ligne, la seule arme efficace est l’information. Il y a un an, l’signalait un trafic en France, de lentilles de contact contrefaites. Elle met aussi régulièrement en garde contre tout achat de médicaments sur Internet. En association avec des organisations de patients et de consommateurs, ainsi qu’avec des professionnels de santé, le Leem a publié une brochure destinée au public. Vous la trouverez auprès du Leem, 88 rue de la Faisanderie à 75116 Paris. Tous ces efforts sont nécessaires. Mais certainement pas suffisants. La vraie solution, elle est entre nos mains à tous. Le problème prend chaque jour de l’ampleur. C’est un vrai danger pour la santé de chacun. Alors souvenez-vous en : sur la toile, médicament est forcement synonyme de danger !
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